• Daredevil : l'intégrale 1964-1965

     

    S'il y a un super-héros qui n'a jamais su s'attirer les faveurs du grand public, c'est bien Squirrel Girl Daredevil ! Comics obscurs, adaptations cinématographiques malheureuses, Daredevil a longtemps été considéré comme un croisement maudit entre Batman et Spider-Man, jamais totalement dans la veine de Marvel, sans jamais non plus virer dans le complètement DC.

    Les prémices-mêmes du héros révèlent cet amalgame pour le moins éclectique. Daredevil est la réponse presque bancale de Marvel a la plus grosse franchise de DC : le Chevalier Noir.

    Tous deux portent une tenue qui dissimulent leur corps à l'exception de la bouche, tous deux arborent deux petites ornementations sur le crâne, tous deux utilisent divers gadgets, leurs pères respectifs se sont tous deux faits tuer par des voyous, Daredevil opère dans le quartier sinistre et corrompu qu'est Hell's Kitchen, Batman travaille dans la ville sinistre et corrompue qu'est Gotham, tous deux affrontent divers criminels et gangsters "ancrés dans la réalité" (le Hibou/le Pingouin, Bullseye/le Joker…) tout en combattant parfois des clans de ninjas grognons (La Main/La Ligue des Assassins), et enfin ont une relation chaotique avec une brunette psychotique qui a un lien avec les organisations précédemment citées (Elektra/Talia al Ghul)…

    En un mot comme en cent vingt-cinq, Daredevil souffre d'une mauvaise réputation.

    Néanmoins, une question demeure : est-ce que cela a toujours été le cas ?

    Le manque de popularité de Daredevil est-il dû à la qualité de ses aventures ? Au concept même du super-héros aveugle ? À un manque d'adaptation aux exigences des lecteurs ? C'est ce que nous allons essayer de voir en parlant de Daredevil : l'intégrale 1964-1965.

     

    RÉFLEXIONS GÉNÉRALES

    Tout d'abord, force est de remarquer que ce premier volume des aventures de Daredevil ne comporte que les 11 premiers numéros du diable rouge, ce qui ne signifie qu'une chose : Daredevil est une revue bimensuelle.

    Oh.

    Hé hé… Hum… cool, moins il y en a, meilleure sera la qualité… ? Non ?

    Et ce n'est pas comme si l'équipe créative avait de quoi rassurer. Bien sûr, Stan Lee, en dépit de son travail sur de très nombreuses autres séries à cette époque (Spider-Man, Hulk, Les Quatre Fantastique, Iron Man, Thor…), reste au gouvernail du scénario, en-dehors d'un seul épisode. Cependant… En seulement 11 numéros, pas moins de QUATRE dessinateurs se succèdent, les uns après les autres, sans compter que 2 des 3 derniers épisodes sont co-dessinés. Heureusement, on sait que c'est John Romita Sr qui reprendra la série à partir de ce moment. Dommage que cette nouvelle ère ne soit disponible que dans la prochaine intégrale !

    Si d'ordinaire je suis plutôt ravi de voir de nombreux dessinateurs travailler sur une même série (cela permet au style visuel de surprendre le lecteur), dans le cas présent, je suis moins enthousiaste. La préface de l'intégrale l'explique noir sur blanc :

    “Étant dans l'impossibilité de confier la série à Kirby ou tout autre artiste déjà bien occupé sur les différents titres Marvel, Lee contacte des personnes qui ne travaillent pas pour la Maison des Idées.”

    Tout est dit. À ce moment, au tournant 1964-1965, l'activité de Marvel bat son plein. Outre les séries mentionnées plus haut, Marvel produit également les Vengeurs, X-Men, Docteur Strange, Sgt Fury and his Howling Commandos, et j'en passe… Les crossovers entre séries se multiplient à vitesse croissante ! Nick Fury passe un coup chez les FF, puis les X-Men affrontent les FF, puis Spider-Man rejoint Docteur Strange, etc. Cela n'en finit plus ! Forcément, Stan Lee n'a d'autre choix que de confier le dessin à des personnes extérieures à la maison d'édition.

    Enfin, avant d'aborder les épisodes présentés dans cette intégrale, parlons un peu du personnage lui-même. Car si Stan Lee a décidé de l'inventer, c'est bien pour une raison. Le concept d'un héros handicapé est après tout révolutionnaire, pour l'époque, et a forcément été réfléchi en amont. Que nous dit la préface ?

    “Lee a le premier l'idée de créer un héros aveugle et il demande à Kirby de lui faire des propositions de costume. […] Par manque de temps, Kirby ne lui soumet qu'un seul croquis, celui qui se retrouvera sur la couverture puis sur la première page de Daredevil 1. Le dessinateur en profite pour mettre entre les mains du héros une petite canne grappin lui servant à voltiger entre les gratte-ciel.”

    … Hum…

    … … Hum…

    — Ça, c'est la caisse. Ton héros aveugle est dedans.
    — C'est tout à fait comme ça que je le voulais ! Crois-tu qu'il faille beaucoup de personnalité à ce héros ?
    — On s'en bat les spider-steaks. Chez DC en face, ils ont un bouffon qui parle aux sushis.

    C'est parti pour l'analyse des épisodes, et accrochez-vous à votre canne, car ça va cogner dans tous les sens !

     

    ANALYSES DÉTAILLÉES

    Daredevil #1 : les Origines de Daredevil
    Écrit par Stan Lee et illustré par Bill Everett.
    Paru en avril 1964.

    Publié en avril 1964, le premier numéro de Daredevil nous expose très naturellement l'histoire de ses origines. L'épisode commence par une bagarre entre Daredevil et des petits gangsters, puis part dans un flashback nous montrant comment nous en sommes arrivés là.

    Matthew Murdock est le fils du boxeur Jack "Kid" Murdock (Battlin' Murdock en VO). Jack force son fils à étudier plutôt qu'à aller jouer et faire du sport car il a promis à sa défunte femme que leur fils deviendrait quelqu'un d'important. Au long des années, Matt continue à étudier avec détermination, en dépit des moqueries de ses camarades, qui le surnomment "Daredevil" (casse-cou). Un jour, Matt explose de colère et se défoule sur un punching-ball, et réalise que mais bien sûr ! Il peut étudier… ET faire du sport aussi durant son temps libre !

    Non, sérieusement, vous êtes sûrs que c'est lui, le héros ? Passons. Jack est fier de son fils, mais réalise que plus personne ne veut d'un vieux boxeur sur le ring, et que par conséquent, il ne pourra pas économiser suffisamment pour permettre à son fils d'aller à l'université. Il choisit donc de faire un pacte avec le diable, et contacte un caïd du crime surnommé le Fixer, qui lui arrangera tous les combats qu'il désire. Hélas, à ce moment, un accident terrible se produit.

    En sortant du lycée, Matt sauve de justesse un vieil aveugle qui traversait la route, et se fait renverser par un transport de produits radioactifs ! Matt perd la vue, mais gagne d'autres capacités… ses sens restants sont accrus et il dispose désormais d'un radar qui lui permet de se déplacer librement. Malgré ce handicap, Matt ne baisse pas les bras, et réussit à entrer à l'université, avec son meilleur ami Franklin "Foggy" Nelson (est-ce que tout le monde doit nécessairement avoir un surnom ?).

    Le temps passe, la carrière de Jack redécolle (même si, à son insu, le Fixer paie ses adversaires pour qu'ils se couchent), jusqu'à ce qu'il soit à nouveau suffisamment célèbre pour donner un combat digne de ce nom. Sauf que pour ce combat, le Fixer veut que ce soit LUI qui se couche. Jack ne souhaite pas décevoir son fils, et, pour honorer le courage dont il a fait preuve jusqu'à présent, se bat comme un diable et gagne le match. Le Fixer n'est pas spécialement ravi de cela, et le fait abattre par Slade, son homme de main.

    Malgré la dépression, Matt poursuit ses études de droit, est élu major de sa promotion, et ouvre un cabinet d'avocats avec son ami et désormais associé Foggy, et emploie une secrétaire du nom de Karen Page. Cependant, de puis tout ce temps, Matt n'a jamais pu chasser le meurtre de son père de sa mémoire. Il se conçoit donc un costume jaune et noir (il est capable de sentir la couleur des tissus au toucher. Oui. C'est vrai), il optimise sa canne pour en faire une arme, prend le nom de Daredevil, et jure que pour faire honneur à son père, il fera d'abord usage d'intelligence et de ruse. Puis, enfin, il se lance à la recherche du Fixer.

    On reeeetourne à l'action dans le présent, où il s'avère que le Fixer avait gentiment attendu la fin du flashback pour se présenter à Daredevil. Très aimable à lui. S'ensuite une bagarre, une course-poursuite, puis une autre bagarre, durant lesquelles Daredevil parvient à piéger le Fixer et Daredevil pour qu'ils confessent le meurtre de Jack. Le Fixer meurt d'une crise cardiaque, Slade est arrêté, et contacte le cabinet d'avocats Nelson & Murdock pour être défendu. Nelson refuse, parce que "d'après le rapport de police, il était coupable." Eh beh. Heureusement que la présomption d'innocence n'existe pas, autrement je… une minute…

    Les différents points à noter :

    • C'est une histoire d'origine très solide. La relation Matt/Jack est déchirante de réalisme. Le père est prêt à consentir à tous les sacrifices pour que son fils atteigne son idéal de l'importance, mais ne se rend pas compte non plus qu'il lui impose ses propres choix et lui dicte sa vie. Toutefois, Matt est reconnaissant envers Jack, ce qui permet d'établir un lien émotionnel avec le lecteur. On sait que Jack va mourir, mais on ne veut pas que cela arrive. La présence de criminels de bas-étage nous montre également que Daredevil est mieux équipé à affronter ce genre de bandits plutôt que des super-criminels. En tout, ce premier numéro est narrativement impeccable.

    • Le dessin, par contre… Dès la première page (non, pas celle de Jack Kirby), il est clair et net que le dessinateur est un spécialiste de l'Âge d'Or des comics. Les postures, les ombres, les méchants qui ont une sacrée tête de méchant, les héros qui ont une tête de héros… Bill Everett est en effet un spécialiste de l'Âge d'Or, puisque c'est lui le créateur de Namor, le Prince des Mers (que Stan Lee ramènera sur le devant de la scène en tant qu'ennemi/allié réticent des Quatre Fantastiques). Cependant, il est aussi très clair qu'en 1964, le style de dessin d'Everett est complètement dépassé, et parait presque amateur… À sa décharge, cette approche visuelle fonctionne d'un point de vue intrinsèque à l'intrigue. En effet, si Matt Murdock est avocat en 1964, cela signifie qu'il est né au tournant des années 30-40… époque à laquelle le style d'Everett était la norme ! Et, au moins, ça nous donne l'opportunité d'apprécier de grandes différences de design parmi les personnages présents.

    • La publicité Wolverine est dans sa forme la plus pure ! La couverture nous place Spider-Man en haut à droite, et son nom est écrit dans une police de caractère bien plus épaisse que celui du héros titulaire. Puis, juste sous Spider-Man, on a une tête de chacun des Quatre Fantastiques. Aucun de ces héros n'apparaît, ni n'est mentionné, une seule fois dans toute les histoires. Enfin, si, une fois : sur la première page, pour nous inciter à acheter Amazing Spider-Man #1.

    Daredevil #2 : Sous la Menace d'Électro !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Joe Orlando.
    Paru en juin 1964.

    Oh ça commence… Pendant que Daredevil est quelque part en ville en train de tabasser un gang de voleurs de voiture, les Quatre Fantastiques débarquent chez Nelson & Murdock et réclament que quelqu'un vienne établir la conformité de leur bail au Baxter Building (leur QG) pendant qu'ils partent à Washington.

    Arrive en scène Électro, qui était le chef de ce gang de voleurs de voiture. Électro apprend que les FF sont partis à Washington, et décide donc de piller le Baxter Building pour revendre les plans d'invention de Reed Richards à des puissances étrangères. Je vous laisse intégrer ça une minute. Le super-méchant capable de court-circuiter le monde entier sur un simple caprice… cherche juste à se faire du fric en faisant de l'espionnage industriel.

    Je vous laisse intégrer ça une minute.

    Or, Matt, alias Daredevil, a été chargé d'étudier le bail des FF, et se rend aussi au Baxter Building, en même temps qu'Électro ! Coïncidence forcée ? Naaaaaaan.

    Matt pressent une embrouille grâce à son sens d'araignée ses sens accrus, et préfère se changer en Daredevil pour la suite. Il n'a pas tort, car Électro le prend en embuscade et, malgré une lutte héroïque, il se retrouve complètement dépassé. Électro finit par l'assommer et "imagine un moyen radical de [se] débarrasser de lui". Oh. Quel suspense ! Quel moyen Électro, l'homme aux pouvoirs électriques, capable de déchaîner une tempête de foudre sur ses ennemis, va-t-il employer pour tuer Daredevil ? La réponse est logique :

    1. Trouver une fusée des FF.
    2. Mettre Daredevil dans la fusée.
    3. Envoyer la fusée dans l'espace.

    C'était évident. Daredevil reprend ses esprits, et, grâce à son sens d'araignée ses sens accrus, parvient à prendre le contrôle de l'appareil et à le poser à Central Park, là où il n'entend battre aucun pouls humain. Fuyant la police qui désire l'arrêter parce que "il existe des lois pour protéger les gens et les biens", Daredevil se lance aux trousses d'Électro, qui n'a toujours pas fini de piller le Baxter Building. Le héros et le méchant s'affrontent une nouvelle fois, avant que l'homme-électrique ne prenne la fuite. Daredevil le poursuit jusque dans un théâtre de Broadway, et parvient, grâce à ses sens accrus son sens d'araignée, à mettre Électro hors d'état de nuire assez longtemps pour que la police l'asperge d'eau et l'embarque.

    Et à la fin, les FF reviennent et sont furieux de savoir que Matt Murdock n'a pas eu le temps de s'occuper de leur bail. Yep. C'est la fin de l'épisode.

    Les différents points à noter :

    • La publicité Wolverine se poursuit, et cette fois elle s'incruste dans l'histoire ! Plutôt que de créer un nouveau méchant à combattre, Stan Lee recycle Électro, un ennemi de Spider-Man, de la même manière qu'il le fera avec l'Homme-Sable pour les FF. Et en parlant des FF… leur apparition éclair leur donne le rôle de sales prétentieux qui cherchent à maintenir leur nom de marque. Autant pour la première Super-Famille…

    • On est en plein dans les années 60, là. C'est clair et net. Des évènements invraisemblables se produisent (une fusée s'écrase à Central Park) et personne ne s'étonne ! Bon, soit, c'est vrai qu'à cette époque, il y a déjà Spider-Man, les X-Men, Iron Man, et d'autres héros encore, donc ça doit sûrement faire relativiser les New-Yorkais. Mais tout de même.

    • Karen Page révèle ici toute son inutilité. Karen est amoureuse de Matt et rêve que Matt partage ses sentiments. Matt est amoureux de Karen mais est convaincu que Karen ne peut tomber amoureuse d'un aveugle. Foggy est amoureux de Karen et fait tout pour la séduire. Ce n'est plus Daredevil, c'est Karen et les Garçons. Karen est limitée à sa passion pour Matt et son ignorance pour Foggy, et n'est présente que pour créer une tension amoureuse. Pourquoi ? Parce que.

    • Le dessin n'est pas aussi horrible que lors de l'épisode précédent. Joe Orlando fait montre d'un certain réalisme dans ses traits et ses jeux d'ombre, ce qui donne parfois l'impression que ce texte pourrait plutôt dater des années 70. Dommage que les histoires invraisemblables gâchent le reste…

    • C'est dans cet épisode que démarre une sous-intrigue récurrente : Karen veut que Matt consulte un ophtalmologue/chirurgien de renom pour qu'il recouvre la vue. Karen fait tout son possible pour que Matt accepte, mais Matt est réticent car une opération qui lui rendrait la vue lui ferait peut-être perdre ses pouvoirs… Ce n'est… ce n'est pas bête du tout, comme fil conducteur.

    Daredevil #3 : le Hibou, Sinistre Seigneur du Crime !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Joe Orlando.
    Paru en août 1964.

    Tout commence avec la pire ordure possible, une racaille sans nom, une créature du Mal, le Chaos incarné : un trader. Un trader si vil que le monde entier a oublié son nom, un trader si abject qu'on ne connait de lui que son surnom… le Hibou… Le Hibou est un bâtard de première, et pas qu'un peu, car sitôt son introduction, il piège un employé en le faisant accuser de fraude fiscale et le vire de son entreprise. Ledit employé, désespéré, se suicide, ce qui attire l'attention de la police sur ses affaires et le fait emmener au poste. En y réfléchissant, ce n'était pas très malin…

    Le Hibou doit obligatoirement avoir un avocat, il en choisit donc un au hasard et, quelle coïncidence ! il tombe sur Nelson & Murdock. Matt est par conséquent commis d'office, et va essayer d'enquêter sur son étrange client, que tout le monde sait coupable mais que personne ne semble être capable de confondre.

    Le lendemain, le Hibou ne se présente pas au tribunal, ce qui fait de lui un criminel. Daredevil part à sa recherche dans toute la ville, sans pour autant parvenir à le retrouver. Et c'est normal. Car le Hibou est chez lui. Dans sa demeure géante EN FORME DE HIBOU, sur la rive en face de Manhattan. Comme quoi, avoir des sens accrus, ça remplace pas forcément la vue.

    Le Hibou, sachant pertinemment qu'il est désormais l'objet d'un mandat d'arrêt, décide de se tourner pleinement vers la crime, et envisage de devenir le nouveau chef de la pègre. Il engage alors deux tueurs, un tireur d'élite du nom de Simms, dit "Sad Sam", et un lutteur capable de maîtriser un gorille du nom de Horgon, dit "Ape". Le Hibou dévoile également son terrible pouvoir, qui est d'utiliser les courants d'air pour planer à l'aide de… sa… cape ? Original. Bref, pour la première étape de son plan, le Hibou décide de se prendre un avocat porte-parole en la personne de Matt Murdock.

    Matt, pendant ce temps, est débordé de travail au bureau de Nelson & Murdock. C'est-à-dire qu'il se tourne plus les pouces que d'ordinaire et repousse les tentatives de Karen de lui faire voir un ophtalmo. Cependant, une excellente opportunité de faire autre chose que rien surgit quand il sent une odeur de hibou non loin. Se débrouillant pour chasser Foggy et Karen de là, il revêt son costume et confronte le Hibou et ses sbires, qui étaient à la recherche de… de… bah de lui… Mais hélas, Karen se montre durant leur affrontement, et tous deux sont faits prisonniers puis kidnappés par les malfrats.

    De retour chez lui avec ses précieux otages, le Hibou prend la décision de convoquer les différents chefs de la pègre pour leur montrer qu'il a capturé Daredevil, et qu'il est donc en droit de prendre les commandes. Bien entendu, Daredevil et Karen s'échappent, le Hibou tente de s'opposer à DD avant de prendre la fuite en bateau, DD le poursuit et bloque l'hélice du canot, le Hibou passe par-dessus bord mais DD ne parvient pas à le retrouver car ses sens ne fonctionnent pas sous l'eau.

    … Dommage ?

    Les différents points à noter :

    • On retourne aux sources (qui datent d'il y a 4 mois) et on introduit le Hibou, un méchant un poil plus ancré dans la réalité qu'Électro. D'accord, il est assez loufoque (malgré lui) mais il n'en reste pas moins impitoyable et immoral. C'est rare à cette époque de voir un personnage en pousser un autre au suicide. Cela dit, tout impitoyable qu'il est, le Hibou a quand même des difficultés à se fixer sur un objectif précis… Il veut d'abord conserver son anonymat, puis refuse un avocat, puis décide d'être criminel, puis décide d'avoir un avocat, puis décide de capturer Daredevil, puis déclare qu'il cherchait à s'enfuir dès le début parce qu'il a "tout planifié à la perfection". Nyaha… Je suis très impressionné par cet esprit criminel…

    • Note à part : tout le monde est obligé d'avoir un surnom ? Daredevil, Kid Murdock, le Hibou, Foggy Nelson, Sad Sam Simms, Ape Horgon, le Fixer…

    • Dans cet épisode de Karen et les garçons, Karen décèle une étrange ressemblance entre Matt Murdock et Daredevil, en particulier au niveau de la voix. Pourquoi ? Mais c'est parce qu'elle commence à vraiment tomber amoureuse de Matt, bien sûr ! … Vraiment, Stan ? Vraiment ?

    • Le dessin est beaucoup plus inconsistant que pour l'épisode précédent. Le Hibou, notamment, change régulièrement de tête, de corpulence, et de coupe de cheveux, et les personnages en général paraissent beaucoup plus rigide ! What happened, guys ?

    • L'intrigue secondaire se poursuit ! C'est une bonne idée d'intrigue sous-jacente, mais elle est vite abattue par l'évidence que Matt a eu des pouvoirs de manière radioactive. L'accident a brûlé ses yeux, certes, mais il est complètement idiot de croire que voir à nouveau le privera de ses pouvoirs. Si ses sens sont améliorés, c'est que son système nerveux et son cerveau ont été logiquement imprégnés.

    • Ceci étant dit, le cerveau est le dernier organe que l'on s'attend à trouver chez Daredevil.

    Daredevil #4 : Killgrave, alias l'Incroyable Homme Pourpre !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Joe Orlando.
    Paru en octobre 1964.

    Notre histoire commence avec un mystérieux Homme Pourpre qui rentre gentiment dans une banque, réclame plusieurs milliers de dollars au préposé, qui est on ne peut plus heureux d'obéir. L'Homme Pourpre repart dans la rue, sifflotant, tranquillement. Le préposé réalise ce qu'il vient de se passer et lance la police à ses trousses. Le cambrioleur (?) se laisse gentiment embarquer au tribunal. Il refuse un avocat, alors le tribunal en nomme un d'office… Mmh… je me demande bien sur qui ça va tomber…

    Boum, Nelson & Murdock ! Plus spécifiquement Matt himself, qui vient accompagné de Karen, parce qu'il est persuadé que Karen veut assister à une plaidoirie. WTF Matt ? Karen veut jouer avec ta canne ! T'es bigleux ou qu… oh…

    Bref, Matt rend visite à l'Homme Pourpre, dont le vrai nom est Killgrave. Ce qui claque méchamment. N'en déplaise à tous ceux qui diront le contraire. Killgrave, c'est un nom à testostérone, c'est un nom de bonhomme, ça. Deal with it. Matt rend donc visite à Killgrave dans sa cellule, et constate là son terrifiant pouvoir : Killgrave est capable de se faire obéir rien qu'au son de sa voix. C'est… c'est un pouvoir effrayant, en fait. Killgrave (j'aime ce nom) force ainsi le gardien à le laisser sortir… et en plus il se barre avec Karen ! Daredevil se lance à sa poursuite et le confronte. L'Homme Pourpre essaie un temps de le soumettre à sa voix, en vain. Il semblerait que l'absence de son cerveau la seule force de sa volonté permette à DD de résister. Néanmoins, Murdertombstone est plus malin et incite la foule alentour à attaquer le justicier. Dépassé, Daredevil s'enfuit pour éviter d'être lynché par la plèbe.

    Matt retourne au cabinet Nelson & Murdock et explique à son collègue que Karen s'est fait enlever. Foggy pète un câble et file… quelque part… "voir ce qu'il peut faire"… Je… euh… ok, c'était une scène bizarre, mais Matt capte que son ami a des sentiments pour Karen.

    Pendant ce temps, Destroydeath ne perd pas son temps, et pénètre dans une salle de sport pleine de bodybuilders au corps huilé, musclé et bien taillé, pour les recruter et en faire son armée personnelle. Il les emmène à un hôtel de luxe, d'où il fait expulser les clients pour avoir droit à son espace personnel, avant de clamer qu'il est invincible et que le monde sera à ses pieds.

    Daredevil, de son côté, enquête sur les textes de loi, et réalise une chose idiote : aucun texte n'interdit à quiconque de demander quoi que ce soit. Donc, en théorie, Nukecorpse n'a enfreint aucun interdit. Il réalise que le seul moyen de l'arrêter est de :

    1. Le forcer à confesser son pouvoir en l'enregistrant.
    2. L'empêcher de parler.

    S'équipant donc d'un magnétophone miniature et d'une longue bande de plastique chimique qu'il range dans sa canne-TARDIS, Daredevil se lance à la recherche de son ennemi, et le trouve bientôt à son hôtel. Une bagarre s'ensuit, durant laquelle DD vainc ses adversaires et coince Candycrush sur le toit avec Karen. Menaçant de demander à la jeune femme de se jeter dans le vide, FluffyMcSweety force Daredevil à se rendre, et ne résiste pas à l'envie de frimer en racontant ses origines : l'Homme Pourpre était un espion pour une puissance étrangère (note du critique : à tous les coups, c'est la Suisse) qui, lors d'une mission dans une usine, fut aspergé d'un gaz neurologique violet qui conféra à ses acides corporels la faculté d'asservir la volonté de quiconque l'entourait. Daredevil révèle alors son ingénieux plan de l'enregistrer, puis sauve Karen. Les deux hommes s'affrontent une dernière fois en pleine rue, face à face, pour un duel paroxystique… ou plutôt Daredevil enveloppe Killbill dans son papier-cadeau devant tout le monde pour l'humilier.

    En fin de compte, Karen est sauvée, Foggy arrive en prétextant avoir tout vu à la télévision, Daredevil est désormais officiellement connu du grand public, et Matt prend la décision de ne pas s'interposer entre les sentiments de son ami et la femme qu'il aime.

    Les différents points à noter :

    • L'arrivée de Killgrave (FUCK YEAH !) est plus que bienvenue ! Bien sûr, on est dans les années 60, donc ce ne sera pas un méchant intéressant, mais il a tout de même le mérite d'être un adversaire de taille, qui permet de rappeler au lecteur que Matt n'est pas seulement qu'un boxeur en collant jaune et noir, mais aussi un individu rusé. Killgrave ne se bat jamais lui-même, et peut asservir n'importe qui. Cela fait forcément de lui un opposant plus psychologique qu'un Hibou ou qu'un Électro, qui recouraient d'abord à la menace physique.

    • De l'enquête ! On voit Matt mener une enquête ! Bon, certes, ça dure 4 cases et demi, mais on voit que notre héros reste fidèle à la promesse faite à son vieux père. L'esprit surpasse la matière, DD ! Je suis fier de toi !

    • C'est le dernier épisode illustré par Joe Orlando, et c'est tant mieux ! Les ombres et les traits donnent toujours un ton de maturité au dessin, mais bon sang, pas un personnage n'a une tête identique d'une case à l'autre… Killgrave passe d'un beau jeune homme de 20 et quelques années à un pervers de 60 balais sosie de Raymond Domenech. Remarquez, c'est peut-être comme ça que Raymond Domenech est resté aussi longtemps sélectionneur de l'équipe de France.

    • Pas d'intrigue secondaire cette fois-ci. Quel dommage. J'aurais volontiers voulu savoir comment Matt allait à nouveau rejeter la proposition de Karen, et comment Karen allait mal le prendre, et comment Matt n'en comprendrait pas la raison.

    • Petite info inutile : Daredevil a vécu une aventure entre son affrontement avec le Hibou et sa confrontation avec Killgrave (FUCK YEAH !)… en effet, il est apparu en guest-star dans Amazing Spider-Man #16, où il combat l'hypnotisant Ringmaster et son Cirque du Crime ! Oui. Daredevil est trainé au cirque par Foggy et Karen. Parce que oui, les amis de Daredevil sont des bâtards de première. 

    Daredevil #5 : le Mystérieux Matador Masqué !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Wally Wood.
    Paru en décembre 1964.

    Non.

    Je ne vais pas raconter l'histoire du Matador Masqué. Je ne vais pas vous détailler comment Daredevil est battu À DEUX REPRISES par un mec dont la principale attaque est d'agiter un drap rouge en criant "Toro ! Toro !".

    C'est ridicule.

    Tout commence avec Daredevil qui tombe par hasard sur le nouveau super-criminel en vogue, le… (soupir)… le Matador Masqué… qui détourne un transport de fonds en agitant sa cape rouge… Mais avant qu'il ne puisse l'appréhender, il entend un peintre en bâtiment tomber de son échafaudage, et voler à sa rescousse donne au MM le temps nécessaire pour filer.

    De retour à l'étude Nelson & Murdock, Foggy est débordé de travail et ne peut pas emmener Karen au bal costumé du soir. Il demande un service à son bon copain Matty… qui accepte d'emmener Karen au bal à sa place. Quel merveilleux ami, ce Matt ! Rappelons qu'il n'y a pas un épisode, Matt prenait la décision de ne pas se mettre entre les sentiments de Foggy et de Karen.

    Matt accompagne ainsi Karen au bal masqué, mais il s'affole car il reconnait le rythme cardiaque et le pouls (cherchez pas…) du Matador Masqué quelque part dans la salle. Là, Matt a une idée de génie. Celle de dire à voix haute "Le Matador Masqué passerait inaperçu ici". Forcément, tout le monde capte de suite le MM.

    … Ok, c'est vraiment stupide, mais c'est tellement évident que c'est bien joué. Matt profite de la confusion pour se changer en Daredevil et attaquer le MM. Hélas, la présence de la foule altère considérablement la perception de ses sens, à un point tel que le Matador le bat et l'humilie. Daredevil est honteux et parvient à peine à se rechanger en Matt Murdock.

    Les jours qui suivent, le Matador commet une grande vague de cambriolages, sans que personne ne soit en mesure de l'arrêter (on est en droit de se demander si Spider-Man est overbooké (réponse dans les points à noter !)). Du coup… bizarrement, encore une fois, mais normal pour les Sixties, l'opinion publique adore le MM et se moque de DD. Pourquoi ? Parce que la vénération se mérite, Daredebiatch !

    Matt déprime, justement. Manhattan se retourne contre lui, et il ne peut même pas se réconforter dans sa vie privée, car Foggy lui fait part de son intention de demander Karen en mariage. Rien que ça. Plutôt que de se suicider, Daredébile va enquêter sur le Matador. Il rassemble plusieurs journaux sportifs du monde entier aux archives de la bibliothèque, et après des heures de lecture, il finit par trouve ce qui l'intéresse : Manuel Eloganto était un matador espagnol au talent indiscutable, mais qui était détesté par le public pour sa cruauté envers les taureaux. Un jour qu'il maudissait son public DANS L'ARÈNE, le taureau arriva par-derrière et l'encorna. Heureusement, il put être sauvé à l'hôpital, mais il disparut dès son rétablissement, jurant de prendre revanche sur ceux qu'il jugeait responsable de son humiliation.

    Tout ceci donne à Matt une idée pour piéger le MM. Il convoque une réunion de presse et leur révèle un scoop : Daredevil et le Matador ne seraient en fait qu'une seule et même personne. Son plan marche à merveille car le Matador, vexé d'être comparé au DD, arrive le soir-même chez Nelson & Murdock, où il est cueilli par le diable jaune et noir. S'ensuite une nouvelle bagarre durant laquelle Daredevil triomphe aux yeux de tous.

    Les différents points à noter :

    • Nouvel épisode, nouveau méchant. Le… bon sang… le Matador Masqué… Je ne sais même pas quoi dire. L'esprit créatif qui nous a présenté le Bouffon Vert, le Docteur Fatalis, le Mandarin, Loki, le Caïd, Magneto, et j'en passe, nous introduit l'illustre et l'impitoyable Matador Masqué. Les mots me manquent. Surtout que son histoire ne tient même pas la route. Un matador controversé (bon encore, là, je veux bien) est blessé par un taureau parce que Monsieur TOURNE LE DOS À LA BÊTE pour insulter des gens, et du coup, il veut se venger. Mais pas n'importe comment. Il se venge des Espagnols "responsables" de sa blessure en émigrant aux États-Unis pour commettre une série de cambriolages. Sérieusement ? Sérieusement ?! ÇA N'A AUCUN SENS ! La prochaine fois que vous regarderez, mettons, Avengers : l'Ère d'Ultron, ou bien X-Men, pensez que le vieux pépé moustachu que vous apercevrez sur l'écran a créé le terrible Matador Masqué.

    • À nouveau de l'enquête ! Wouhou ! Et ce coup-ci, elle dure une page ! Non seulement ça, mais Daredevil dresse également un plan pour piéger son adversaire ! C'est agréable de voir un héros qui ne se jette pas la tête la première dans l'action.

    • Pourquoi les Quatre Fantastiques ou Spider-Man n'arrêtent pas le Matador ? Parce que les FF sont sûrement en vadrouille ailleurs (leurs aventures ne se passent pour ainsi dire jamais à Manhattan) mais pour Spidey, il y a une explication. Cette aventure de Daredevil parait en décembre 1964. En décembre 1964 sort également Amazing Spider-Man #19, et dans ce numéro, le héros éponyme sort d'une longue dépression qui avait commencé 2 mois plus tôt à la suite d'une défaite publique humiliante des mains du Bouffon Vert. Spidey est ainsi aux prises avec les Exécuteurs (un trio de malfrats) et l'Homme-Sable. On comprend mieux comment ce cher Matador a pu faire des siennes impunément. Pour info supplémentaire, DD apparait le temps d'une case dans Amazing Spider-Man #18, où il se pose des questions sur la soudaine disparition de Spidey.

    • Daredevil lit en passant ses doigts sur l'encre des journaux. Hum… Autant je trouvais déjà le concept de "voir la couleur d'un vêtement en touchant le tissu" un brin ridicule, autant là, je ne sais plus quoi dire.

    • Foggy va demander Karen en mariage ?! Oh non ! Pauvre Matt ! J'en aurais quelque chose à foutre si j'avais le moindre attachement émotionnel pour le triangle amoureux, mais je trouve plus intéressant de regarder ma plante verte pousser. Et non, je n'ai pas de plante verte. Justement. Cela dit, je disais plus haut que les amis de Daredevil étaient des bâtards de première… mais Dédé le leur rend bien !

    Daredevil #6 : le Piège tendu par… le Trio de la Peur !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Wally Wood.
    Paru en février 1965.

    Notre aventure commence par le tournage d'un film devant un magasin. Il s'avère très vite que ce tournage est un canular et qu'il s'agit en fait d'un vrai cambriolage, perpétré par le Bœuf, membre des Exécuteurs, et l'Anguille, un adversaire de la Torche Humaine. Notre bon Dédé vole à la rescousse et livre un combat honorable face aux deux méchants, jusqu'à ce qu'intervienne notre nouvelle super-menace, en la personne de Mister Fear. Fear tire des capsules de gaz qui font sombrer Daredevil dans un état de terreur intense qu'il est forcé de battre en retraite.

    Mais qui est donc ce mystérieux Mr Fear ? Eh bien Mr Fear est à l'origine le propriétaire d'un musée de cire miteux (on pourrait donc l'appeler Mr Cire) du nom de Zoltan Drago, qui avait fait des mannequins de tous les super-héros et super-méchants de la Terre. Frustré de n'avoir aucun visiteur, il décida de concocter une solution chimique qui donnerait vie à ses statues pour s'en faire une armée… Ooook, punition un poil disproportionnée, mais ok, on va dire d'accord. Sauf que l'expérience tourne mal et que Zoltan crée par inadvertance un gaz de terreur… ce qui lui donne l'idée de devenir un super-criminel. Ok, Monsieur Drago est un original, mais j'aime ça, j'aime ça. Il embauche alors le Bœuf et l'Anguille (après avoir un temps soupesé l'idée d'engager Fatalis, rien que ça) et les soumet à sa volonté grâce à son gaz. La suite est racontée au paragraphe précédent.

    Retournons chez Nelson & Murdock qui… qui pour la première fois sont en train de travailler ! Évidemment, Karen aime Matt mais elle n'y croit pas, Matt aime Karen mais il n'y croit pas, et Foggy est… Foggy. Remarquant que 2 cases de travail est largement suffisant, Foggy propose à ses associés de prendre le reste de la journée pour aller visiter le musée de cire dans lequel est exposé une statue de Daredevil. Ils s'y rendent donc. Matt, qui est aveugle, vient avec eux. Parce que l'intrigue l'exige.

    Il s'avère en fait que l'exposition de la statue est une idée de Mr Cire, afin d'attirer DD dans un piège ! Le trio de la peur attend donc derrière une porte entrouverte, toute la journée, que l'homme sans peur (répétition volontaire) se pointe. Matt les repère… mais Foggy aussi !

    Daredevil revient le soir pour s'occuper des malfrats, ce qui marche un temps, jusqu'à ce que Foggy, n'écoutant que sa bêtise, vienne s'en mêler et soit grièvement blessé. Daredevil court porter son ami à l'hôpital et appelle Karen pour qu'elle le veille. S'ensuivent des blablas et autres pensées mièvres telles qu'on nous les a infligés depuis le premier épisode, jusqu'à ce que Matt trouve un prétexte pour se barrer. L'action refait son apparition quand les trois méchants veulent en finir avec Foggy. Daredevil re-intervient et re-tabasse ses ennemis qui se re-enfuient. Mais cette fois-ci, il les suit dans leur repaire, et les re-re-tabasse jusqu'à ce qu'ils abandonnent.

    En conclusion, Foggy s'en sort, et défend son ami auprès de Karen pour son comportement qu'elle juge égoïste et insensible. Et tout est bien qui finit bien.

    Les différents points à noter :

    • Et on nous introduit encore un nouveau méchant, le bien-nommé Épouvantail ! Je veux dire l'Épouvantail ! Non, je voulais dire l'Épouvantail ! Djizeusse, c'est Mr Fear. Rien de bien particulier avec Zoltan Drago. Comme toujours pour cette époque, le méchant est là parce qu'il faut bien un défi à relever pour le héros. L'affrontement entre le Trio de la Peur et l'Homme sans Peur avait de quoi allécher plus d'un lecteur, mais au final, rien de bien intéressant ne se passe. L'intrigue est résolue à coups de poings et de pieds sans plus de questions. À noter que, contrairement à ce qu'on pourrait croire… Drago est le premier à utiliser un gaz de terreur, bien avant l'Épouvantail auquel la toxine est traditionnellement associée.

    • Stan Lee poursuit sa tradition de recycler des méchants déjà utilisés ailleurs, en l'occurence le Bœuf (Ox en VO), des Exécuteurs (ennemis de Spider-Man), et l'Anguille (Eel en VO), apparu dans Strange Tales #112 face à la Torche.

    • L'intrigue amoureuse prend le pas sur l'intrigue générale, et bon Dieu que c'est ennuyeux. Il faut avoir un véritable talent pour écrire des scènes romantiques aussi embarrassantes, et Stan Lee donne tout ce qu'il a pour égaler le savoir-faire de George Lucas en la matière.

    • Daredevil… ne la boucle jamais. Ja-mais. Il parle tout le temps, tout le temps, tout le temps… Comment peut-on être aussi bavard en plein combat ? Et même en-dehors d'un combat ?

    • C'est la première fois qu'on voit notre équipe de héros branler quelque chose durant leurs heures de travail. Je commençais à me demander comment ils faisaient pour vivre. À ce propos, on ne cesse de nous vanter les qualités d'avocat de Matt, combien il est illustre, brillant, et juste… mais on ne le voit jamais à l'œuvre. On n'essaiera pas de me Mary-Suer Daredevil, des fois, par hasard ?

    Daredevil #7 : aux Prises Avec… le Prince des Mers !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Wally Wood.
    Paru en avril 1965.

    Alors que le bon roi Namor se prélasse sur son trône d'Atlantis, son "fidèle" lieutenant à la moustache perfide, Krang (non, pas ce Krang), lui demande si les Atlantes doivent attendre encore longtemps avant de réclamer leur place légitime à la surface de la Terre. Namor rejette les appels à la guerre de son "loyal" lieutenant mais, pour satisfaire son peuple, choisit de se rendre auprès des hommes de la surface pour négocier un terrain pour les siens. Bien sûr, ce n'est qu'une diversion de la part de Krang, qui ne souhaite que prendre le trône et la main de Lady Dorma, la promise de Namor.

    Pour réclamer ce qui lui revient de droit divin, Namor décide d'adopter une démarche que d'aucuns qualifieraient d'originale : aller se chercher un avocat. Mmh, je me demande sur QUI ça va bien pouvoir tomber, ça… Namor fracasse tout sur son chemin, parce qu'il est le dirigeant d'une race supérieure tout de même et que rien ne devrait se trouver sur sa route, et entre chez Nelson & Murdock, avocats professionnels.

    Le plan de Namor est simple : tuer le Batman porter plainte contre la race humaine. Messire le Prince désire poursuivre la race humaine en justice pour privation de droits, et expose son cas à coups de "Un prince fait ce qu'il veut comme il le veut" et de "Je veux que ça soit fait immédiatement", le tout épicé de fracassage nerveux de meubles. Foggy, n'ayant aucune âme, déclare vouloir aider Namor car ce serait très bon pour la réputation de son cabinet, mais que, tout bêtement, il ne peut y avoir de procès sans motif légal. Namor, furieux d'apprendre cela, adopte alors une autre démarche, que d'aucuns qualifieraient d'originale : tout casser jusqu'à ce qu'on l'arrête.

    Et qui de mieux placé que Daredevil pour arrêter un surhomme en pleine campagne de destruction ? Revêtant son nouveau costume d'un rouge sombre intégral, l'homme sans peur se lance après Namor, que l'armée peine à stopper. Face à DD, Namor refuse de se laisser arrêter et préfère se battre. Le combat finit hélas dans la mer, où Daredevil devient littéralement aveugle car ses sens sont inutiles sous l'eau. Reconnaissant sa bravoure, Namor le sauve et accepte de se faire emprisonner. Mené au tribunal, Namor plaide sa cause mais on lui rétorque justement que son cas n'a rien à voir avec les raisons de son procès. Arrive alors Lady Dorma, la promise de Namor, qui annonce à son prince que l'infâme Krang a profité de son absence pour fomenter une rébellion. Namor exige d'être relâché, mais Murdock le convainc de rester jusqu'à l'audience.

    Audience décalée d'une semaine. Matt l'annonce à Namor. Namor pète un câble, s'évade, et repart dans une campagne de destruction sur tous les obstacles qui le séparent de la mer. Daredevil retourne le combattre pour le persuader de rester. La suite n'a rien d'étonnant : Namor plie DD en deux, mais, impressionné par sa bravoure, retourne à l'océan sans faire plus de dégâts.

    Les différents points à noter :

    • Pour un peu d'ambiguïté, on oppose aujourd'hui Daredevil à Namor. Namor est un vieux personnage créé par Bill Everett (dessinateur de Daredevil #1 et essentiellement connu durant l'Âge d'Or) ramené au goût du jour par Stan Lee dans Fantastic Four #4 en tant qu'ennemi des héros titulaires. Namor est le prince d'Atlantis, mi-atlante mi-humain, un personnage constamment tiraillé entre ses deux origines. Du coup, sa quête pour rendre à son peuple la place qui lui revient de droit parmi l'humanité pouvait donner un conflit intéressant. Cependant…

    • … l'histoire n'a aucun sens. Namor vient porter plainte contre l'humanité et comme ça ne fonctionne pas, il passe au plan B, qui est de tout casser jusqu'à ce qu'on l'arrête. Sauf qu'une fois qu'on vient l'arrêter, eh ben il résiste ! Puis il accepte de se rendre, mais une fois qu'on lui annonce qu'il va être écroué (logique), il veut partir, et s'évade pour commettre à nouveau un saccage sans nom. Là, par contre, ce sont l'armée et DD qui font preuve de stupidité, car Namor souhaite simplement retourner chez lui. Ils pourraient le laisser partir pour limiter la casse, mais NON. Et finalement, impressionné par la résolution de Daredevil, Namor accepte de faire ce qu'il voulait faire depuis le début : rentrer chez lui en paix…

    • Et c'est sans compter la faille ultime du plan de Namor : les Atlantes ne peuvent pas vivre à la surface car ils ont besoin d'eau. Quand Lady Dorma intervient dans l'histoire, elle est affublé d'un scaphandre-bocal rempli d'eau de mer… ce qui implique que les Atlantes ne seront jamais en mesure de fouler la même terre que le reste de l'humanité.

    • Même si elle est d'une bêtise sans nom (vue par nos yeux contemporains), cette aventure a au moins le mérite de confirmer que Daredevil est digne de son surnom "d'homme sans peur". En effet, il s'attaque à Namor en sachant très bien que c'est peine perdue, et pourtant il ne lâche rien. Il va jusqu'au bout juste par principe. C'est admirable. Bien sûr, quand on tient compte des points précédents, cette beauté du geste perd de sa flamboyance.

    • Tout comme pour Matt durant l'épisode précédent, on essaie ici de nous faire passer Namor pour une sorte d'ange brisé. Tandis que Karen voit en lui un homme "arrogant, impitoyable, et si sûr de son pouvoir", Matt perçoit "un homme d'honneur… fier et d'une noblesse innée…" Alors que NON. Namor EST arrogant, EST impitoyable, et EST trop sûr de son pouvoir. Dans ses premières apparitions (après l'Âge d'Or), c'est un terroriste qui déchaîne des monstres marins géants et ses troupes sur Manhattan, menaçant même de tout détruire par un raz-de-marée. Il va même jusqu'à kidnapper Jane Storm, dont il est amoureux, et à ourdir des complots avec Fatalis pour se débarrasser des FF.

    • Daredevil a enfin décidé d'arrêter de s'habiller en cible mouvante. Un like pour l'effort.

    Daredevil #8 : l'Homme aux Échasses
    Écrit par Stan Lee et illustré par Wally Wood.
    Paru en juin 1965.

    Autant l'affaire du Matador Masqué pouvait à la limite, à la grande limite, en cherchant bien quelque part au fond d'une case, être amusante d'un point de vue… métaphysique. Autant l'affaire de l'Homme aux Échasses… eh ben… voilà, quoi… voilà…

    L'histoire commence par Daredevil qui empêche une jeune femme de se faire écraser par une voiture sans conducteur. Il monte dans le véhicule pour s'apercevoir que le frein a été saboté, que l'accélérateur a été cloué au sol et, pour couronner le tout, qu'une bombe à retardement se trouve dans le moteur. Rien que ça. Il parvient à se débarrasser de la voiture piégée sans blesser personne et subodore qu'il s'agissait là d'une ruse pour le détourner d'un vrai crime.

    Pendant ce temps, un homme équipé d'échasses géantes télescopiques, rien que ça, cambriole un hélicoptère transporteur de fonds. Daredevil retrouve sa trace mais l'homme disparait au détour d'un bâtiment. Perplexe, DD retourne au bureau.

    Au bureau, Karen reparle à Matt du fameux ophtalmo qui affirme désormais être capable lui rendre la vue. Cette nouvelle enthousiasme notre aveugle de service, qui n'hésite pas à embrasser son assistante. Ou du moins l'aurait-il fait sans l'intervention de Foggy et de leur nouveau client, le craintif Wilbur Day. Monsieur Day est un scientifique/ingénieur/profession des Sixties non explicitée qui s'est fait spolier de son invention par son patron, un certain Kaxton. Matt contacte Kaxton pour que Day puisse récupérer son brevet, mais Kaxton refuse de négocier.

    De retour à son appartement, ou plutôt ses appartements (plus de détails dans les points à noter !), Matt pondère les évènements de la journée, jusqu'à ce que la radio reparle de l'Homme aux Échasses. Daredevil se met en chasse, et surprend son adversaire en train de dépouiller les participants d'une fête sur un toit, à l'aide d'un… d'un aspirateur ? … (soupir)… Les années soixantes !

    Daredevil arrive, se prend sa raclée habituelle en une case, et on passe directement au lendemain, où Matt discute avec Wilbur Day de son affaire. Mais Kaxton arrive et clame que c'est lui-même qui a bien inventé son "dispositif hydraulique", pas Day ! Ho ho, retournement de situation ! Matt essaie de deviner lequel des deux dit la vérité, mais se retrouve embêté quand les deux pouls qu'il tente d'écouter sont trop proches l'un de l'autre. Kaxton part comme une furie, et Matt plante son client sur place pour se lancer à sa poursuite.

    Ayant enfilé son costume entre la porte et la fenêtre de son cabinet (et sans être vu !), Daredevil file la voiture de Kaxton et bondit dessus. Hélas, Kaxton est prévoyant, car il a fait installer un système d'électrocution sur son véhicule, système qui foudroie le bon DD et l'envoie au tapis. Il a à peine le temps de se relever que l'Homme aux Échasses est déjà en train de frapper ailleurs ! Le gredin ! DD le confronte à nouveau, et, pour sa peine, finit la tête la première dans l'East River. Enragé par cet échec, le “héros” retourne à son cabinet, où Day piquait un somme, et prend la décision d'emmener son client directement chez Kaxton.

    Et peu après… (en neuneu dans le texte) Murdock et Day se retrouvent devant la demeure de Carl Kaxton. Ils y pénètrent, y découvrent deux tubes hydrauliques similaires aux jambes de l'Homme aux Échasses, mais sont hélas surpris par Kaxton, qui les menace d'un fusil mitrailleur. Day se révolte, et assomme Kaxton d'un coup de karaté, avant de se retourner aussi contre Matt et de l'assommer tout pareil.

    Day entre dans le labo de son ex-patron et, révèle tout dans un fabuleux monologue pour le lecteur. Il est en fait l'Homme aux Échasses, il volait les idées de Kaxton, et il était après sa dernière invention, un condensateur moléculaire expérimental (un Truc Bidule Chelou Qui Réduit Les Objets À Néant). Heureusement, DD intervient, car il avait fait exprès de faire croire qu'il était KO, et livre un combat à Day, qui le bat ENCORE et s'enfuit avec les jambes télescopiques et le TBCQRLOAN. Une course-poursuit s'engage, DD rattrape DayDay en chevauchant un train (les sixties…) et active le TBCQRLOAN, qui se retourne contre le vicieux criminel, qui est alors réduit à néant devant notre héros impuissant.

    De retour à son cabinet, Matt constate que Kaxton a amené une horde d'avocats pour l'attaquer en justice, mais il parvient à le calmer en lui révélant que Day a abandonné l'idée de porter plainte. Je n'te le fais pas dire… Finalement, Karen relance son beau chevalier en collant rouge sombre sur l'opération ophtalmologique, mais comme il refuse, elle le traite de lâche et de trouillard qui se cache derrière son handicap pour fuir le monde, ses responsabilités, et l'amour… “sniff” (en neuneu dans le texte).

    Les différents points à noter :

    • Introducing l'Homme aux Échasses… L'Homme aux Échasses… vraiment ? Est-ce là toute la créativité dont tu faisais preuve en 1965, Stan ? L'Homme aux Échasses ? Un mec qui utilise des jambes télescopiques ? Ce n'est même pas le genre de méchant qu'on verrait apparaître dans la série de Batman 66 qui, pourtant, battait des records de stupidité dans ce domaine ! L'Homme aux Échasses incarne tout le ridicule des années soixante : il n'a pas de motivation, il n'a pas de personnalité, son design n'est même pas mémorable, on ignore tout de lui, et il est viré de la série d'une manière particulièrement expéditive.

    • L'intrigue en elle-même ne rattrape pas ce gâchis, alors qu'elle pouvait promettre une certaine tension. Un conflit entre un inventeur spolié et son patron/associé abusif a tout pour être intéressant. C'est une situation inédite, ambitieuse, et même surprenante par son audace. Cependant, toute l'affaire est vite stoppée quand il devient clair que Stan Lee ne maîtrise aucun aspect relatif au droit, ce qui empêche le scénario d'évoluer. Du coup on est en droit de se demander POURQUOI Stan Lee a choisi de faire de Murdock un avocat, car cela semble poser davantage de problèmes que d'en résoudre.

    • Stan Lee nous offre un aperçu de l'une de ses manies préférées : les présentations techniques. Chacune de ses séries y a droit, de manière plus ou moins subtile. C'est quand une case, voire une planche, est dédiée au détail d'un lieu ou d'un gadget, en l'occurence ici la canne et l'appartement de Daredevil. C'est l'une de ces occasions où Stan Lee essaie de nous faire gober qu'un objet aussi ridicule qu'une canne peut en fait intégrer un microphone, un transistor et des batteries, un câble, une bobine à ressort, une chambre pour projectiles, et des écrans réflecteurs. Concernant l'appartement, ce n'est pas mieux. Matt a loué deux appartements, l'un au-dessus de l'autre, le premier à son nom, qui lui sert pour vivre, et le deuxième sous un nom d'emprunt qui leur sert de planque. On y trouve l'indispensable escalier secret (qui relie les deux étages) dissimulé derrière une armoire coulissante, une salle de gym, et un laboratoire électronique.

    • Cette aventure est un condensé de tous les défauts de la culture super-héros des Sixties. Scénario d'un ridicule affolant, méchant d'un ridicule affligeant, gadgets invraisemblables, relations sociales irréalistes, réactions complètement disproportionnées, sans oublier la fameuse et fatale manchette de karaté qui résout tout… On nage en pleeeiiin délire. De la folie dangereuse à l'état pur.

    Daredevil #9 : Qu'il Puisse voir !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Wally Wood.
    Paru en août 1965.

    La conclusion épique de notre sous-intrigue principale ! Daredevil retrouvera-t-il la vue ? Bon, on sait que non puisque plus 50 ans se sont écoulés et qu'il ne voit toujours pas, mais l'important, c'est de savoir comment Stan Lee va trouver un moyen de faire perdurer le handicap de son fils mal aimé.

    L'histoire commence quand Daredevil coupe la route à des criminels qui s'enfuient en bateau. La bataille est brève car, même si les bandits se font arrêter par la police, DD prend une balle au bras et tombe à l'eau, puis monologue pendant 5 cases en rentrant chez lui pour se soigner.

    Le lendemain, Karen a une mauvaise nouvelle : le Dr Van Eyck, le super ophtalmo, est malencontreusement parti s'installer au Lichtenbad, un minuscule pays d'Europe. En revanche, elle a une surprise pour lui, et cette surprise c'est la venue du Duc du Lichtenbad, Klaus Kruger, qui est également un ancien camarade de classe de Matt et de Foggy. À ces mots, le Duc entre dans le cabinet Nelson & Murdock, et propose à Matt de l'emmener avec lui au Lichtenbad pour qu'il puisse rencontrer le Dr Van Eyck et se faire soigner. Matt accepte, mais simplement parce que, d'après ses sens aiguisés, Kruger ne lui dit pas la vérité.

    Le lendemain, Matt et Kruger arrivent au Lichtenbad et, à peine sorti de l'avion, l'avocat est témoin d'une tentative d'assassinat sur son compagnon. Aidé de sa fidèle manchette fatale de karaté, le Duc repousse son agresseur, qui se fait arrêter. Ils arrivent ensuite dans le pays, qui n'est ni plus ni moins qu'un château fort entouré de douves remplies de requins, et à l'intérieur duquel se trouve un château fort plus petit entouré de douves plus petites remplies de requins plus gros. Tout au long du trajet, Matt perçoit qu'un sentiment de peur et de haine habite la foule. Cela ne fait pour lui plus aucun doute : son ancien camarade est un dictateur.

    Matt rencontre ensuite le docteur Van Eyck, qui accepte de l'examiner, mais refuse de répondre à ses questions concernant la terreur de la population. Insatisfait, Murdock attend le soir pour se changer en Daredevil et faire un tour de la ville.

    Il surprend par hasard une conspiration rebelle, qui est très vite interrompue, et dont les membres sont arrêtés puis menés au château du Duc par une garde de chevaliers automatisés (les années soixante dans toute leur splendeur médiévale !). DD s'infiltre dans le fort et, grâce à ses sens, réalise que la place est en fait beaucoup plus moderne, bourrée de systèmes électroniques et d'énergie nucléaire. Le Duc Kruger se révèle alors sur son trône, tout vêtu d'une cotte de maille, et lance ses automates sur l'intrus. Le héros livre un combat honorable, mais est vaincu et emprisonné.

    Au cachot, Kruger expose son terrible plan à son ennemi enchaîné : asservir les plus grands cerveaux du monde, et associer leur génie et leur talent à sa perfidie dans le but de lever une armée de robots pour conquérir la Terre. Rien que ça. Une fois le vilain parti, DD se libère, immobilise un garde robot, le déleste de ses clés et fait s'évader tous les autres prisonniers à coups de cascades acrobatiques et de manchettes de karaté.

    Pendant ce temps, aux États-Unis, Karen confond Foggy avec Matt. Foggy est si furieux et jaloux qu'il casse un miroir, mais clame que ce n'est pas sa main qui est blessée, seulement son cœur. Il souhaite également que Matt n'existe pas et ne revienne jamais du Lichtenbad.

    De retour dans l'action, le lendemain, Matt retourne chez le Dr Van Eyck, qui révèle à son patient ce qu'il savait déjà : ils sont tous deux prisonniers. Arrive une brigade de robots qui emmène Van Eyck au château pour cause de trahison. Matt juge que c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Il revêt alors son Darecostume et décide d'en finir avec Kruger.

    Son timing est parfait (en neuneu dans le texte) ! Le peuple vient de se révolter ouvertement (en neuneu dans le texte) ! Grâce à des mortiers dissimulés dans sa canne, Daredevil repousse les troupes de robots qui agressent les villageois, et part à l'assaut du château. Il saute de tour en tour, et tombe juste devant le Duc, qui l'attendait armé de son épée. S'engage alors entre les deux ennemis un combat au cours duquel Daredevil triomphe des armes, des traquenards et des manchettes de karaté de Kruger. Mais ce dernier n'a pas dit son dernier mot et active un levier qui relâchera un nuage de cobalt radioactif dans le monde. Daredevil repart à l'assaut.

    Cependant, le Dr Van Eyck, témoin du duel acharné que se livrent les deux hommes, constate que Daredevil a la même morphologie que Matt Murdock, que c'est donc son identité secrète, et c'est grâce à cette révélation qu'il trouve la salle des machines du château, tire deux leviers pour empêcher la libération du gaz, mais ce faisant meurt d'empoisonnement radioactif.

    Finalement Kruger et Daredevil finissent sur les chemins de ronde, le Duc tente une ultime attaque, qui rate et l'envoie chuter dans le vide. Ou, plutôt, dans les douves pleines de requins, mais la censure ne nous permet que de l'imaginer.

    En épilogue, Karen et Foggy reçoivent un télégramme de Matt qui leur dit qu'il n'a pas été opéré et qu'il leur expliquera pourquoi. Foggy accuse Matt d'être un lâche, et espère intimement que son ami disparaîtra bientôt de sa vie, tandis que Karen contemple les cieux en imaginant que celui qu'elle aime s'interdit de tomber amoureux à cause de son handicap.

    Les différents points à noter :

    • Bonjour, Klaus Kruger ! Au revoir, Klaus Kruger ! Bim boum badaboum un dictateur souverain d'un tout petit État fictif d'Europe, vêtu d'une armure et aux commandes d'une armée de robots, et de surcroît ancien camarade du héros ! Voilà qui est original !

    • Il est toujours très curieux de constater la façon dont nous voient les Américains, ou tout du moins les auteurs de comics américains, dans les années 60. Apparemment l'Europe est un continent encore médiéval, crédule, dont les habitants superstitieux sont soumis à des dirigeants consumés par leur quête du pouvoir… Soit, on avait peut-être un temps de retard, mais pas tant que ça ! Par exemple, les États-Unis ont eu leur première télévision couleur en 1954, les Européens l'ont eue en 1967 ! Pour les mauvais en math, ça fait 14 13 ans d'écart (aucun… commentaire…). Imaginaire collectif, ou réelle perception condescendante ?

    • Le Dr Van Eyck apparait enfin ! Et qui l'eût cru ? Il meurt ! Juste après avoir deviné qui était Daredevil, de la façon la plus illogique qui soit d'ailleurs. Pas besoin d'additionner deux et deux en voyant un Américain arriver, puis DD se pointer juste après, non. Juste un aperçu de la taille et de la corpulence suffit. Enfin bref… Dans les comics, la découverte d'une identité secrète est la cause de mortalité la plus répandue. Si un personnage secondaire apprend qui est le fameux héros qui intervient tout le temps dans sa vie, vous pouvez être sûrs qu'il sera refroidi dans les numéros qui suivront. Batman est devenu un spécialiste.

    • Djizeusse, Daredevil ne la ferme JAMAIS ! Et quand il ne parle pas, il pense ! Il monologue sans cesse ! Je sais que son pouvoir est basé sur un principe de radar/sonar, donc je suppose que parler l'aide à se repérer… mais djizeusse, mec, tais-toi, un peu !

    • Je n'ai étrangement rien à dire sur cet épisode. C'était stupide, certes, mais c'était d'un stupide agréable. Un stupide kitsch qu'on est en droit d'attendre d'un comics sorti en 1965. Gadgets improbables (un mortier dans la canne, sérieux ?), méchant peu mémorable mais correct, un héros bavard au possible, une action tout à fait décente. Cependant, et comme toujours, il y a un gros point noir, qui est…

    • … la romance. On atteint des niveaux de bêtise si profonds que même la faune abyssale s'est enfuie de là. Ce n'est pas seulement pénible à lire, c'est… douloureux. Soudain, Foggy hait Matt. Ça sort de nulle part. Il y avait encore un épisode, il ne se doutait même pas d'une potentielle relation entre lui et Karen, et voilà maintenant qu'il souhaite qu'il n'ait jamais existé ? Les motivations de Karen sont également tordues. Elle veut à tout prix que Murdock soit guéri de son handicap pour pouvoir se marier avec lui, mais soit c'est parce qu'elle ne veut pas épouser un aveugle, soit c'est parce qu'elle craint qu'il s'interdise lui-même de tomber amoureux à cause de ça. Décide-toi, Stan ! Le monde entier veut savoir qui Karen va épouser !

    Daredevil #10 : Quand la ville dort !
    Écrit et illustré par Wally Wood et Bob Powell.
    Paru en octobre 1965.

    Incroyable ! Une histoire scénarisée par le dessinateur ? Et sans intervention directe de Stan Lee ? Aurait-on droit à une histoire originale ? Enfin ? Et en plus c'est une histoire en deux parties ! Donc pas d'excuses pour foirer, ce coup-ci !

    L'histoire débute par un barbu en costume de chat qui s'infiltre dans une prison en pleine nuit et fait évader un détenu qui ressemble à un singe. Pendant ce temps, un homme masqué répondant au nom d'Organisateur recrute un petit voyou qui ressemble à un crapaud, et un autre petit bandit qui ressemble à un faucon. À minuit le même soir, les quatre malfrats sont réunis au Chemco Building, un immeuble vide truffé d'engins électroniques, et font face à leur employeur, le susnommé Organisateur, qui décide de baptiser leur confrérie… tenez-vous bien… l'Organisation ! Par contre les membres ne sont pas appelés les Organisés… Z'avez raté une opportunité, là, les mecs.

    L'Organisateur donne à ses sbires de beaux costumes d'animaux équipés de récepteurs audio et d'une caméra : l'homme-crapaud a un costume de grenouille, l'homme-faucon a un costume d'aigle, l'homme-singe a un costume de gorille, et le barbu a un costume de… chat. Ce qui est bizarre car, de une ça n'a aucun rapport mais je suppose qu'à la limite, IRL, ça n'en aurait pas non plus, mais surtout de deux car on l'a très bien vu au tout début de l'intrigue alors qu'il portait DÉJÀ le costume, tandis qu'à présent, il est surpris par le cadeau de son employeur. Et notons au passage l'excellent travail de la traduction, qui réussit à mélanger les bulles de dialogues, faisant ainsi dire au faucon qu'il adore son costume de grenouille, et à la grenouille que ses ailes lui permettent de voler pour de bon.

    Brrrref, l'Organisation désormais composée du Chat, du Gorille, du Faucon et du Triton est envoyée commettre une série de larcins et de cambriolages à travers toute la ville, dans le but de discréditer l'administration actuelle de la ville. L'équipe s'exécute.

    Le lendemain, les journaux ne parlent que de cette vague de crimes, et Matt et Karen sont stupéfaits. Et on les comprend, parce qu'une évasion de prison et un enchaînement de forfaits en moins de 24h aurait quand même pu attirer l'attention des Quatre Fantastiques, de Spider-Man, ou, je sais pas, moi… de DAREDEVIL PAR EXEMPLE ?! Au moins Peter a un mot d'excuse de sa tante, il est actuellement en train de castagner le Scorpion.

    Brrrrrrrref, Foggy arrive et déclare qu'il a été approché par le Parti Réformiste pour devenir le futur procureur de New York ! Karen est contente pour lui ! Matt ? En bon ami, Matt lui demande de suite s'il est bien sûr de ce qu'il fait. Foggy lui reproche de l'empêcher de vouloir réussir tout seul, pour une fois, mais n'en garde pas rancœur et propose à ses associés de participer l'après-midi à une fête en son honneur sur un yacht.

    Plus tard, sur le port (en neuneu dans le texte), Karen et Matt sont accueillis par plusieurs membres du Parti Réformiste : Abner Jonas, candidat aux élections municipales ; Bernard Harris, candidat à la présidence du conseil d'arrondissement ; et enfin Milton Monroe, candidat à l'assemblée. Abner introduit également à Foggy une personne de son passé, à savoir Deborah, la fille de Bernard. Deborah était l'amour de jeunesse de Foggy, elle semble très heureuse de le revoir… au grand regret de Karen. Sérieux, fille ? Décide-toi !

    Le soir-même, toujours sur le yacht, Matt entend un message transmis par ondes radio depuis le navire, à l'attention du Triton, qui a pour ordre d'attaquer quelqu'un sur le navire. Conjecturant que l'Organisateur est un membre des réformistes, Matt tombe à la mer pour déjouer la tentative d'assassinat du Triton, se change en Daredevil sous l'eau, et usant de son radar devenu sonar, s'en prend au malfrat. Ce dernier, bien que pris au dépourvu, parvient à s'enfuir et retourne au Chemco Building. L'Organisateur n'est pas mécontent, mais décide d'accélérer son plan et envoie le Faucon dérober les fonds de campagne au QG même du Parti Réformiste dès le lendemain. Le Faucon s'exécute, mais bien mal lui en prend car Daredevil veille au grain, l'attaque, et parvient à récupérer l'argent volé.

    Daredevil s'interroge sur les motivations de l'Organisateur. S'il est effectivement un réformiste, pourquoi dérober les fonds de son propre camp ? Pourquoi les réformistes ont-ils besoin de Foggy, d'ailleurs ? Est-ce que Karen aime vraiment Foggy ? Et à quel jeu joue donc cette troublante Deborah Harris ?! Pourquoi drague-t-elle son ami aussi ouvertement ?

    De son côté, l'Organisateur en a sa claque du justicier rouge. Il se débrouille pour l'attirer à une banque où ses sbires l'embusquent et… et l'assomment et le laissent là pour l'accuser d'un braquage. Bonne idée, car la police arrive sur les lieux peu après et se met à pourchasser Daredevil ! Le héros est désormais recherché par les forces de l'ordre, ce qui complique quelque peu sa mission.

    Le lendemain, DD intervient dans une bagarre devant le QG du parti et maîtrise facilement des casseurs envoyés par l'Organisateur. Mais il ne peut pas rester plus longtemps car la police est déjà là.

    De son côté, Foggy ne cesse de prendre la grosse tête, et est convaincu qu'il sera le prochain procureur. Pour fêter cela, Deborah organise une fête en son honneur chez elle, et bien entendu Karen est invitée. Cette dernière se demande si elle ne serait pas amoureuse de Foggy et si l'invitation ne serait pas juste un moyen de rendre Deborah jalouse.

    L'Organisateur, lui, est ravi que tout se passe comme prévu. Grâce à ses interventions malhonnêtes, l'opinion publique s'est renversée en faveur du Parti Réformiste. Maintenant, il ne lui reste plus qu'à en prendre le pouvoir en influençant ses membres.

    À la soirée chez les Harris, Foggy continue de se comporter comme un jeune adolescent devant l'intrigante Deborah, tandis que Milton Monroe prend Abner Jonas à part et lui fait part de son intention de se retirer de la course car il n'apprécie les discours de son collègue. Discours d'autant virulents qu'il se déroulent en coulisses, si j'en crois mon I-Don't-Give-A-Fuck'o'mètre. Soudain, quelqu'un coupe le courant ! Profitant de l'obscurité, l'Organisation kidnappe Deborah. Daredevil intervient et, même s'il ne peut empêcher Deborah de se faire enlever, parvient néanmoins à appréhender le Chat, qui est envoyé au poste de police.

    Ceci contrarie fortement l'Organisateur, qui envoie le Gorille supprimer le Chat avant qu'il ne parle. Daredevil intervient à nouveau, et force le tueur à s'enfuir (vous ne verriez pas une sorte de récurrence, des fois ?). Il le suit discrètement jusqu'au Chemco Building, et découvre là l'ultime trahison : Deborah Harris… est de mèche avec l'Organisateur ! C'était pour cela qu'elle faisait du gringue à Foggy, pour que l'Organisateur puisse mieux le manipuler ! Et pendant que Daredevil écoute à la fenêtre, il ne se doute pas que le Faucon, loin, là-haut dans le ciel, l'a remarqué et lui fonce dessus…

    Les différents points à noter :

    • Face-à-face avec l'Organisation ! Cet épisode 10 de Daredevil marque l'apparition d'un groupe d'ennemis récurrent, les Ani-Men. Les Ani-Men sont des bandits de seconde zone qui ne sont dangereux essentiellement que quand ils sont dirigés par un chef impitoyable : l'Organisateur, le Chasseur, le comte Néfaria… Ils sont le pendant bestial des Exécuteurs, en quelque sorte. Petite mention spéciale au Triton, qui est d'origine française. Z'avez compris la subtilité ? Français, grenouille ? Ces auteurs ne manquent pas de finesse !

    • L'intrigue se déroule au moment des élections municipales de New York de 1965 et, en dépit du kitsch qu'incarnent les Ani-Men, on ne peut s'empêcher de noter que le scénario est très ancré dans la réalité et est même, pour ainsi dire, assez mature. Bien entendu, le Parti Réformiste n'existe pas, mais il est à noter que les physiques d'Abner Jonas, de Bernard Harris et de Milton Monroe comportent de nombreuses similarités avec respectivement John Lindsay, Abraham Beame et William F. Buckley Jr, tous trois candidats à la mairie à cette époque. Le ton est adulte, presque dans la veine d'un thriller politique. Trahisons, séduction, manipulation, tout y est ! Et ce n'est pas sans rappeler la trilogie du Disruptor dans Amazing Spider-Man #116 à #118, qui ne paraitra qu'en… 1973 !

    • La prépondérance de Wally Wood dans la création de cette histoire est plus que bienvenue. Les méchants ont un design unique, le ton reste généralement sérieux et proche de ce qu'on connait d'un Daredevil contemporain, même la romance, sans être géniale, semble plus fluide et moins forcée dans le scénario. Même les réactions des personnages sont logiques. Foggy commence à prendre la grosse tête parce qu'il a l'occasion de briller en société, mais c'est tout à fait normal quand on considère que tout le monde vénère Matt. Le second couteau a l'opportunité de monter en grade, pourquoi l'ignorerait-il ? Les gens s'intéressent à lui, il peut gagner du pouvoir, deux femmes commencent à se disputer sa présence, il a tout ce que Matt obtient sans mérite.

    • Cela dit, l'aventure n'est pas exempte de défauts. Toute la machination pour faire accuser Daredevil d'un braquage de banque ne repose que sur la crédulité de la police, typique des œuvres fictives des années 60. Rien n'indique que Daredevil ait aidé à commettre un crime, et s'il y a des caméras, il est sûrement vu en train de se faire agresser par les hommes de l'Organisateur. Et je ne mentionnerai pas l'incroyable stupidité des méchants de ne PAS TUER Daredevil alors qu'ils en ont la chance ! C'est si tordu que même Daredevil se demande ce que l'Organisateur peut bien lui vouloir. Ensuite, on a droit à l'incontournable plan technique du Chemco Building, qui prend la moitié d'une planche, pour nous préciser comment il est constitué. Dommage que rien ne se passe dedans à part dans la dernière pièce… Enfin, le kitsch omniprésent réduit l'impact de l'histoire. Des Ani-Men, la fameuse manchette de karaté qui résout tout (Daredevil est un BOXEUR !), les femmes jalouses, l'Organisateur qui pirate les fréquences TV et les ondes radio… Et, bien que ce ne soit pas la faute des auteurs, la censure du CCA se ressent, notamment quand Milton accuse Jonas de faire preuve d'opportunisme en accusant l'administration actuelle d'incompétence. Ce que fait Jonas n'est ni plus ni moins que la base de la politique.

    • Dernier petit détail : dans les comics, il y a souvent des problèmes de continuité. C'est normal. On ne peut pas s'attendre à ce que des artistes qui travaillent sur un personnage avec 50 ans d'écart se passent des notes. Ainsi Superman oublie régulièrement certains pouvoirs, un coup Robin est présent, un coup non… Mais ici… Daredevil peut soudain se repérer dans l'eau ! L'eau ! L'eau qui était il n'y a pas si longtemps un immense point faible pour lui car il ne pouvait pas “voir”. C'est la raison pour laquelle le Hibou lui a échappé, c'est la raison pour laquelle Namor l'a battu… et à présent on nous dit qu'il peut changer son radar en sonar ?! What the Hell's Kitchen ?!

    Daredevil #11 : Bas les masques !
    Écrit par Stan Lee et illustré par Bob Powell.
    Paru en décembre 1965.

    La deuxième partie de notre thriller semi-politique, semi-héroïque et 100% kitsch !

    Reprenant là où nous nous étions arrêté, le Faucon surprend Daredevil et l'attaque. Notre héros réussit à lui échapper en s'engouffrant dans un autre immeuble. Il ne lui faut que quelques instants pour retourner au Chemco Building et libérer Deborah Harris. Elle le remercie, mais le justicier n'est pas dupe et sait qu'elle ment. Il la laisse partir dans l'espoir qu'elle le mène à l'Organisateur, mais manque de chance, elle rentre chez elle, passe un coup de fil à son chef, et retrouve Foggy. Il est désormais confirmé que le pauvre avocat pourra être manipulé par l'Organisateur…

    DD se met à enquêter. Il devient sûr pour lui que le maître criminel est un membre haut placé du Parti Réformiste. Une rapide visite au commissariat au moment où le Chat est interrogé lui révèle que l'Organisateur met tout en œuvre pour qu'Abner Jonas soit élu. La question demeure néanmoins : qui est le coupable ? Jonas ? Harris ? Ou Monroe ? Matt retourne voir Foggy et essaie de le convaincre qu'il est manipulé, en vain. En revanche, il parvient à le persuader de tendre un piège au triumvirat du parti pour prouver que l'un d'eux est pourri.

    Les deux avocats affirment aux suspects que dans leur étude se trouve la preuve de l'identité de l'Organisateur. Jonas les félicite et leur ordonne de la conserver précieusement jusqu'à l'arrivée de la police. Bien entendu, il ne faut pas deux minutes à l'Organisateur pour réagir et envoyer l'un de ses sbires récupérer ce document.

    Matt, Foggy et Karen rentrent au bureau. Matt surprend des bruits dans une pièce à côté et, faisant semblant de trébucher, parvient à faire fuir l'intrus. Le trio entre alors dans la salle et découvrent que tout est sens dessus dessous… ce qui confirme la théorie de Matt ! L'une des têtes du parti est bel et bien l'Organisateur. Foggy s'en veut d'avoir été manipulé si facilement et regrette d'avoir été aveuglé par son ambition. Les trois héros se chargent alors de parler chacun à un candidat du parti. En vain, Monroe, Jonas et Harris évitent tous le moindre contact. Mention spéciale à Jonas, qui clame n'avoir rien à faire que l'étude de Nelson & Murdock ait été cambriolée alors qu'il leur avait spécifiquement demandé de conserver la preuve… Matt comprend qu'il ne lui reste qu'une alternative : faire cracher le morceau à Deborah Harris.

    DD arrive sur la verrière de l'appartement de la belle, et la surprend (beaucoup de surprise en ce moment…) en pleine conversation avec l'Organisateur via une télévision. Deborah souhaite quitter le groupe car tout tombe à l'eau, et même s'il admet que les sondages ne sont plus favorables au parti (première nouvelle), l'Organisateur prévoit de remonter au score en faisant assassiner le maire actuel. Deborah ne veut plus rien avoir à faire avec l'Organisation. L'Organisateur… le prend mal… et coupe la communication. Daredevil entre en scène, dévoile à Deborah qu'il sait que c'est une sale petite gredine, et lui propose de l'aider à piéger l'Organisateur en échange de sa protection. Tu parles d'un super-héros ! Il demande à la jeune femme de contacter l'un des Ani-Men.

    Peu après, répondant à l'appel de Deborah Harris, le Triton sort de l'eau devant la demeure du maire (en neuneu dans le texte) pour y déposer des explosifs. Daredevil le surprend (hé hé) et lui fait sa fête. Le Triton inconscient, Daredevil échange leurs costumes et livre le criminel aux autorités, leur indiquant une fréquence radio sur laquelle se brancher. DD, dédéguisé en Tritonton, retourne au Chemco Building et lance à l'Organisateur qu'il peut faire exploser la maison du maire. L'Organisateur s'y met sans plus attendre, sauf que…

    Sauf que bien sûr la maison n'explose pas. Pire, l'Organisateur comprend qu'il a été doublé, quand il s'aperçoit que la caméra du Triton le filme… et que la ville entière le voit à la télévision. Croyant avoir affaire à un traître, le Gorill et le Faucon se jettent sur Daredevil, et l'Organisateur l'achève en ouvrant une trappe sous ses pieds, ce qui leur permet ainsi de s'enfuir. Notre incapable implacable justicier se remet de sa chute, et file au QG du Parti Réformiste.

    Au QG du Parti Réformiste, très justement, c'est la panique. Tous les rats abandonnent le navire. Harris quitte la campagne, Nelson affirme ouvertement se désister, et Jonas est stupéfait de constater que Monroe n'est pas parmi eux, et qu'il s'agit par conséquent de l'Organisateur. Et quand on parle du loup… l'Organisateur apparait à nouveau sur un écran et affirme qu'il reviendra et que la ville sera à lui, tôt ou tard. Jonas en profite pour continuer à accuser Monroe, puisqu'il n'est pas là et que l'Organisateur est à la télévision, cependant Nelson suppose à voix haute que cela peut très bien être un message enregistré. La paranoïa éclate et chacun accuse un autre d'être le machiavélique manipulateur.

    Arrivent alors le Faucon et le Gorille, qui prennent Jonas en otage, afin d'assurer leur fuite et celle de leur chef. Daredevil arrive à son tour et livre un combat dantesque contre les deux derniers malfrats, tandis que Jonas essaie vaguement de l'aider avant d'aller appeler la police. Comme il est occupé avec les deux sbires, DD envoie Nelson rattraper Jonas. Après en avoir fini, le héros rattrape son collègue, qui a attrapé Jonas, et révèle alors la vérité : Jonas EST l'Organisateur. Comment Daredevil l'a su ? Eh bien, ma foi, c'est fort simple. Jonas portait une chevalière qu'il avait oublié d'enlever dans son rôle d'Organisateur. Et comme si ça ne suffisait pas, Deborah Harris finit par le dénoncer.

    Et on arrive à l'épilogue. Tout est bien qui finit bien. Foggy s'en voit d'avoir été manipulé et se plaint de n'être qu'un loser, donc Karen le réconforte en lui faisant un bisou, ce qui ravive bien sûr les tensions amoureuses entre lui et Matt. Ce dernier décide de couper court et propose de se remettre au travail. Sauf que… sauf qu'ils n'ont plus aucun client, hé hé… Foggy était en campagne, mais quelle excuse avait Matt ? Puis le propriétaire qui leur loue le bureau leur réclame un loyer… qu'ils n'ont pas payé.

    Matt ne voit qu'une solution : partir, pour réduire les frais et permettre à Foggy et Karen d'être mieux dans un local plus petit. Bien sûr, il dit qu'il avait envie de prendre des vacances depuis longtemps et que c'est là l'occasion rêvée. Foggy le prend très très mal, car cela signifie pour lui que son ami fuit lâchement, mais il ne le retient pas non plus car c'est le meilleur moyen de se retrouver seul avec Karen. Cette dernière est désespérée et raisonne que si Matt part, c'est qu'il ne l'aime pas et ne l'a jamais aimée, et la prochaine fois que Foggy la demandera en mariage, elle répondra oui.

    Matt quitte le cabinet Nelson & Murdock, et… fin.

    Les différents points à noter :

    • Stan Lee est revenu aux commandes, Bob Powell est arrivé au dessin et Wally Wood s'est… évaporé ? Il est indiqué au début qu'il est encreur, mais c'est tout. Si l'on peut supposer des divergences artistiques avec Marvel, il ne faut pas oublier non plus que le ton mature et accusateur de l'épisode précédent n'a certainement pas été au goût du CCA. Et en effet, dès 1966 (soit quelques mois à peine après ce dernier épisode !), Wood fonde Witzend, un comic book qui se voulait hors du contrôle de la censure de l'époque. Cette initiative n'est pas sans rappeler la création d'Image Comics ou de Dark Horse Comics, deux maisons d'édition également en opposition au CCA. Tragiquement, en dépit de la reconnaissance de ses collègues, ne pouvant faire face à sa santé en déclin rapide, Wally Wood se suicide en 1981, à l'âge de 54 ans.

    • Powell est un artiste de l'Âge d'Or, similaire à Bill Everett, et n'a fait qu'un bref passage à la Maison des Idées, et a entre autres chapeauté Strange Tales #130, où la Torche et la Chose rencontrent les Beatles. Yep. Ceci est réellement arrivée. Bob Powell est mort en 1967 à l'âge de 50 ans. C'est apparemment une norme pour les dessinateurs de Daredevil de ne pas atteindre 60 ans (Everett est décédé en 1973 à l'âge de 55 ans), à l'exception de Joe Orlando, disparu en 1998 à 71 ans.

    • On a encore affaire à des problèmes de continuité mineurs, notamment concernant le design des personnages. Dans l'épisode précédent, le Triton était un gangster à l'allure véritablement dérangeante, inhumaine. Ici, il reprend une silhouette classique, et a même des cheveux noirs.

    • Mais cette continuité est aussi bien traitée grâce à l'épilogue ! Il est vrai que tout au long de ces 11 épisodes, on ne voit jamais Nelson & Murdock traiter avec des clients. Et ceux que l'on voit sont les méchants, que Matt s'arrange d'une manière ou d'une autre pour faire incarcérer/disparaître. Il est donc tout naturel que personne ne veuille plus rien avoir à faire avec leur cabinet ! Et de surcroît, ils sont désormais en galère financière et ne peuvent plus payer leur loyer. On voit des actes (ou plutôt une absence d'actes) et on constate leur terrible conséquence. Bien joué, les gars.

    • Encore une fois, si l'on fait abstraction du kitsch, l'intrigue est plutôt solide ! Meurtre, intention de meurtre, attentat… On se rapproche de l'essence moderne de Daredevil, délaissant le côté Spider-Man pour préférer Batman. Daredevil frappe si fort ses ennemis qu'il pulvérise leur costume. Il tend des pièges, plutôt malins, et réussit à surpasser son adversaire par la ruse. Il ne se relâche pas, et va jusqu'au bout pour s'assurer que les malfaiteurs auront le traitement qu'ils méritent.

    • Si l'on fait abstraction du kitsch… justement, cela reste difficile de prendre l'intrigue au sérieux quand toutes les mécaniques reposent sur des écrans de télévision et des boutons en pagaille. Et la résolution de l'enquête tombe à plat à cause de ça. Le méchant est confondu car il a oublié d'enlever sa bague ? C'est ridicule. Surtout que ça ne tient pas la route car Daredevil est AVEUGLE. Il ne repère par les formes, ni les silhouettes, il sait simplement où se situent ses interlocuteurs. Il n'avait ainsi aucun moyen de savoir que l'Organisateur portait une bague. Cependant, je suppose que c'était plus simple à expliquer en une case plutôt que de rassembler tous les indices (crédibles !) et de faire la déduction qui s'imposait.

    • La romaaaaaaaance, grands dieux la romance est une souffrance ! Karen cimente son statut de personnage satellite, Matt cimente son statut de débile au cœur de pierre, Foggy cimente son statut de sidekick sans utilité. Pourquoi, Stan ? On parle de super-héros, de super-méchants, de crimes à résoudre et de victimes à secourir ! Alors pourquoi nous imposer ces satanées histoires de cœur ?

    • Petit détail amusant. Lors du combat final, deux témoins s'extasient. "Seul Daredevil pouvait triompher aussi aisément de ces deux tueurs" dit le premier. "Et je parie qu'il pourrait réciter des tirades entières de Hamlet en se battant !" répond le deuxième. Stan Lee regarde mon blog !

     

    EN CONCLUSION

    Tout ceci permet de poser une question inhérente à la série : comment se définit la justice ?

    Matt Murdock est avocat au barreau. Son métier est de plaidoyer pour ceux qui le paient, des clients, dans un tribunal, face à une partie adverse. Que son client soit en tort ou non n'importe pas. La loi stipule qu'un individu est d'abord présumé innocent et a droit à un avocat pour défendre sa cause. Cet avocat, c'est Matt. Si l'on se fie aux affirmations des gens qui l'entourent, tout porte à croire que par son impassibilité et son éloquence, Matt est un sacré ténor du barreau, et qu'il est capable d'épargner la prison à quiconque l'engage.

    Seulement voilà. Quand un individu comme le Hibou, ou Killgrave, ou même le Fixer, loue les services de Murdock l'avocat, il y a un dilemme moral. Matt étant un cador de la plaidoirie, il parviendra, dans le pire des cas, à faire innocenter ses clients, ou dans le meilleur, à les condamner à une peine allégée. La justice est respectée. Ces criminels ont été jugés légalement, en toute conformité aux règles, et seront libres de recommencer leurs forfaits tôt ou tard. C'est là la justice.

    Mais est-ce juste pour autant ? Le Fixer sortira de prison, ou paiera son amende, et tuera à un nouveau un papa qui a refusé de se coucher pour de l'argent. Le Hibou reviendra à ses habitudes et poussera un futur collaborateur au suicide. Killgrave reprendra le contrôle d'une armée d'esclaves pour satisfaire ses pulsions morbides. Où est la justice, là-dedans ? Quand un criminel, ostensiblement coupable, passe entre les mailles du filet judiciaire, est-ce que sa victime est soulagée ? Cette question est le point de départ du film Daredevil de 2003. Et oui, j'ai mentionné ce film.

    Daredevil s'occupe de ce dont Matt Murdock ne peut pas se charger. Daredevil est en-dehors des lois, en-dehors de l'autorité. Il agit de son propre chef. Ce n'est pas un avocat qui cherche à corriger les torts, c'est un citoyen désillusionné par les failles du système qu'il est censé respecter. Daredevil peut être n'importe qui, il incarne un idéal. L'idéal qu'un jour, un être humain décent en a assez de l'impuissance de son gouvernement et prend les choses en main. L'idée même va au-delà de la réactivité. Elle englobe le principe de proactivité, c'est-à-dire poursuivre les crimes avant qu'ils ne soient commis. Ainsi, la justice est dispensée encore plus équitablement, puisque les victimes ne souffrent pas. C'est le thème majeur de la mini-série Cry For Justice, chez DC Comics, dans laquelle Green Arrow et Green Lantern montent une fonction de la Justice League dans l'optique d'empêcher les crimes d'être commis. Pour ceux qui l'ignorent… cette noble initiative finit en désastre spectaculaire.

    Et tout comme dans Cry For Justice, les tentatives de Daredevil finissent aussi en catastrophe. À force de privilégier la justice personnelle et débridée, Daredevil parasite la vie de Matt, ce qui nuit aux affaires de son cabinet d'avocat. Il est sans le sou, s'éloigne de ses collègues pour leur permettre de s'en sortir, est obligé de quitter ce pour quoi il a étudié, ce pour quoi son père s'est sacrifié. Foggy, son seul ami, lui en veut à mort. Karen, la femme qu'il aime, croit qu'il la repousse. En cultivant la graine de Daredevil, Matt a laissé mourir celle de Murdock l'avocat. Et tout ceci crée la pire injustice.

    Daredevil a triomphé, mais Matt était celui qui lui permettait de vaincre. Le triomphe de Daredevil était nocif à Murdock l'avocat sans que ce dernier s'en aperçoive. Daredevil existe grâce à Murdock l'avocat, mais Murdock ne peut pas lui survivre. Sans accès aux privilèges accordés par le barreau, Murdock ne peut plus aider Daredevil dans sa quête de justice, devenue futile et stérile.

    Pour résumer, le justicier est une solution à court terme au problème. Il y aura toujours un Killgrave, il y aura toujours un Hibou, il y aura toujours un Fixer. Daredevil aura beau les mettre derrière les barreaux, ils ressortiront jusqu'à ce que la loi trouve un moyen de les enfermer pour de bon. Car si ce n'est pas la loi qui s'occupe de leur sort, s'il est impossible de les incarcérer, il ne reste plus qu'une seule solution : tuer.

    L'excellente série Daredevil sur Netflix (que je vous encourage à regarder, déjà parce qu'elle redore le blason terni de notre diable rouge préférée, et ensuite parce qu'elle est juste excellente) aborde essentiellement ce sujet. La saison 1 l'oppose au Caïd, et la saison 2 au Punisher, qui ne sont que deux exemples de ce que pourrait devenir le héros s'il favorisait une approche du problème plus… radicale.

    Je me demande ce que nous réservera la saison 3. Certainement un méchant encore plus ambig…


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